Sthira sukham âsanam 

de Jane Stenhouse le mardi 25 mars 2020

Et voilà, c’est arrivé. 
Du jour au lendemain nos vies se sont vues transformées, peut-être à jamais, du moins pour certains aspects. C’est sûr. Et c’est surréaliste.

Qui l’eût cru ? Il y a quelques semaines quand on vivait normalement (si ce n’est naïvement) avec peut-être une petite inquiétude face à la médiatisation de ce virus qui se propageait, tout semblait encore plutôt normal.

Maintenant rien ne l’est et il y a des chances que ce soit le cas pendant un long moment.

On se croirait dans un film et vous êtes en le héros. On nous dit qu’on en est qu’au début, alors quel rôle va jouer votre protagoniste, que va-t-il faire ?

Pour l’instant, il y a des chances qu’il soit en train de galérer avec son propre mental. 
Surtout si vous êtes solo pour ce temps de confinement. Surtout si votre appartement est petit et n’a qu’une fenêtre qui n’a jamais le soleil direct parce que vous êtes au RDC et entouré d’immeubles élevés.

Vous vous demandez ce qui se passe et ce qui va se passer. Les choses ne sont pas claires, on nous donne les informations au compte goûte et en plus souvent elles se contredisent.

Confinement jour - combien déjà ? Je ne sais même plus, je ne compte pas, je me laisse agréablement me perdre dans le temps, laissez-moi au moins ce plaisir car je sens que les choses vont être raides dans quelques temps.
On en est à une semaine & demi et on nous dit que ça va durer encore. Encore du flou, 6 semaines sans doute et on nous dit que le pire reste à venir.

Les gens sont chez eux, certains travaillent, certains font semblant. Beaucoup ont l’éducation de leurs enfants à chaperonner alors que le travail s’accumule et les attend sur l’ordinateur. Vous n’avez qu’une envie c’est de vous informer un peu plus sur ce qui se passe dans le monde. Puis mince, finalement je veux oublier, je vais m’occuper à autre chose et essayer de me sentir un peu normal(e). 
Je ne sais pas vous mais je n’ai même pas réussi à ouvrir un bouquin depuis le début de cette folle histoire, même pas pu regarder un film. Ce n’est pas tous les jours qu’on vit l’histoire après tout. Alors pourquoi en lire ou en voir quand on peut juste regarder notre situation actuelle ?

Quand j’ai un peu de temps libre, j’ai envie de savoir ce qui se passe dans le monde. J’ai envie de savoir ce qui arrive aux autres, mes compatriotes britanniques, ces dingos d’américains qui sortent tous acheter un flingue (what the -? Ils ont trop regardé Mad Max ou quoi?) , nos voisins les Allemands… Chaque pays semble gérer à sa manière. Qu’est qu’ils faisaient pendant leurs reunions G20 etc? Mangaient les petits fours et parlaient des prochains joujoux à se procurer pour exploser les pays du Moyen Orient ?

A vrai dire, je suis un peu épargnée de la folie des médias. Mais si l’envie était là, je ne pourrais pas m’y plonger car j’ai ce magnifique fils et ses sourires craquants sans dents, puis ces multiples balades plusieurs quotidiennes pour l’endormir dans sa poussette. Je sais que d’autres sont confinés pour de vrai eux et n’ont peut-être pas de projet ou de hobby pour les occuper. Ils ont leurs écrans et encore heureux.

Mais même avec ça, c’est obligé qu’ils finissent par péter un plomb ! Car même moi jai l’esprit qui tourne autour de tout ça “Mais comment est-ce possible ? Mais où allons nous et comment allons nous faire et c’est pas possible qu’on puisse retrouver une vie normale après toute ça! Mais oh pourquoi je n’en aurais meme pas envie??
Ca fuse, ça bouillonne, ça questionne, ça cherche, ça explore et des milliers d’images arrivent en tête selon l’humeur du jour. La fatigue et l’estomac jouant leurs rôles  quant au ton tantôt optimiste, tantôt pessimiste.

Sthira sukham âsanam
Être posé stablement et confortablement dans sa posture.

Sans doute pas la meilleure traduction de ce sûtra qui figure dans la première partie des yoga sûtras de patanjali sur la pratique du yoga, mais c’est comme ça que je l’ai compris et comme ça que je l’expliquerai.

Ce sûtra désigne que la posture doit être stable et confortable. Ceux qui pratiquent le yoga le savent : avant d’en arriver à sthir sikham asanam, il y a du chemin à faire. D’abord à assouplir le corps pour qu’il puisse faire ces choses -souvent loufoques- sur le tapis. Puis pour rendre l’esprit plus flexible lui aussi, qu’il puisse enfin cesser d’être un gros obstacle entre nous et le bien-être, que ce soit sur le tapis ou en dehors.
Ce qui est bien avec le yoga c’est qu’il suffit de faire les postures, de s’occuper de chouchouter le corps avec ces asanas et ces effets sur l’esprit se font vite ressentir dans tous les aspects de la vie.

Ce qui va nous aider considérablement lors de ce confinement et cette transformation du monde tel qu’on le connaissait.

Quand on pratique le hatha yoga, on se pose et on voit que plein de choses se manifestent. On reste à regarder tout ça avec détachement et on doit savoir utiliser son souffle à bon escient si on veut maintenir la posture sans grimacer et au contraire en s’extasiant de tout ce bien que la posture nous apporte si on sait se mettre dedans réellement. 
On se rend compte que quand tout s’arrête et qu’on nous demande de s’arrêter, de rester chez nous et bien c’est la même chose. Un tas de trucs aussi étonnants les uns que les autres remontent à la surface. Des sentiments, certains agréables, d’autres moins. Des pensées, des questions… Et on a du mal à rester en place. On a surtout du mal à regarder uniquement le présent, trop de questions quant à l’avenir ! Le notre, celui de nos proches, celui de notre pays, de notre belle Union Européenne, celui de notre magnifique planète. La belle verte qui perdait de sa verdure elle respire à nouveau !

Alors respirons avec elle et restons à regarder tout ça, tout ce qui remonte à la surface. 
Perso j’ai dû augmenter mon sadhana pour faire plus méditation et pranayama. C’était une nécessité.

Mais c’est encore bien bouillonnant dans ma tete et pourtant je n’ai pas juste une fenêtre qui regarde sur un mur.

Je pense à vous, à eux, à nous. Je nous veux du bien et j’espère que ça ira.

J’espère que vous comme moi vous parvenez un peu à garder la stabilité et le confort dans cette position dans laquelle on s’est mis sans le vouloir, sans le savoir.

Le moment est venu pour respirer, regarder notre souffle et l’effet qu’il a sur notre système entier. De se regarder. Avec détachement. D’accepter de rester immobile. De mobiliser tous nos efforts pour rester confortablement et stablement dans la position. D’accepter cette position. D’accepter ces changements.


Tel un vrai yogi, regardons notre souffle avec toute notre attention, avec tout notre conviction qu’elle est la clef qui sait ouvrir la possibilité du sthira sukham âsanam.

Commentaires

  1. It is such a wonderfully captured moment and the feelings. Well done. Would love to read more from you. Just breathe.

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